« C dans l’air », bavardage entre amis du Medef, sur le service public
2014-Top-C-dans-L-air.jpgLe site ACRIMED (Observatoire des médias: Action CRItique MEdias) vient de faire une étude décapante sur l'émission “C dans l’air” qui se prétend être une émission de débat sur France 5, pour donner "aux téléspectateurs les clés pour comprendre l'actualité sociale, politique ou culturelle".

En s’infligeant — entre le 5 février et le 15 avril 2014 — le visionnage de plus de deux mois de cette émission diffusée du lundi au vendredi sur France 5, ACRIMED a pu vérifier que rien n’avait changé dans le fief télévisé d’Yves Calvi… “C dans l’air” s'avère plutôt être une émission de manipulation de masse, au service du Medef.

« Voici les invités qui ont accepté de participer à ce “C dans l’air” » C’est par cette formule immuable qu’Yves Calvi introduit chaque jour son panel d’« experts »… Le dispositif de « C dans l’air » (France 5) ne détonne pas franchement dans le paysage médiatique : une petite heure de discussion entre cinq « experts » à l’expertise souvent douteuse, donc, devisant sur les sujets qui agitent l’actualité, le tout étant saupoudré de quelques reportages.

Un carnet d’adresse atrophié

Un rapport de la Commission sur l’image des femmes dans les médias avait déjà évoqué l’absence de parité dans certaines émissions comme « C dans l’air ».

À cette observation, Acrimed estime qu'il convient d’ajouter le manque de renouvellement dans le choix des « invités »... Si l’on peut encore qualifier ainsi — note-elle — des intervenants si réguliers qu’ils en deviennent quasiment des chroniqueurs.

Ainsi, sur la période ciblée, Christophe Barbier (de L’Express, après avoir été du Figaro) a participé à près d’un tiers des émissions consacrées à un thème touchant à la politique. Mais Acrimed note qu’il se transforme également en « expert en géopolitique », puisqu’il est aussi intervenu dans un débat sur les relations entre l’UE et l’Ukraine.

Suivent derrière lui Catherine Nay, présentée comme « éditorialiste politique à Europe 1 et Valeurs actuelles », avec neuf interventions.

Claude Weill (Nouvel Observateur) et Yves Thréard (Le Figaro) ont été tous deux conviés à sept reprises.

Hélène Pilichowski (éditorialiste à… C dans l’air), Roland Cayrol, Pascal Perrineau et Dominique Reynié (politologues) figurent dans la liste des « incontournables », que complètent les sondeurs qui constituent un contingent impressionnant : un peu moins d’une dizaine d’interventions tous instituts confondus.

Du côté de la presse, un club des cinq se partage les trois quarts des invitations !

Le Monde, grâce à un ingénieux système de roulement entre trois journalistes, devance légèrement Le Figaro et L’Express, suivis de très près par .... le magazine d'extrême droite Valeurs actuelles.

Marianne récolte les miettes avec une seule intervention quand le très neutre Nicolas Beytout a déjà été convié trois fois pour le compte de L’Opinion, journal créé il y a moins d’un an.

Acrimed note que les quotidiens centenaires tels que La Croix ou L’Humanité sont snobés. Ajoutons que la NVO, le magazine de la CGT n'est, évidemment, jamais invité, ni le Monde Diplomatique, mensuel français pourtant le plus lu à l'étranger.

Rythme effréné et mélopée néolibérale

Acrimed constate, en ce qui concerne les thèmes abordés, parmi les 31 émissions peu ou prou consacrées à la politique française au cours de ces deux mois, l'omniprésence des sondeurs, des journalistes issus des plus grands titres parisiens, d’éditocrates patentés et autres patrons de presse.

> Nombre d'émissions par thèmes :
  • > 6 émissions sur l’économie, les réformes et l’emploi
  • > 4 émissions sur les élections
  • > 1 émission sur les partis politiques,
  • > 20 émissions sur les sujets de préoccupation du tout-Paris médiatico-politique !
> Avec par exemple dans ces 20 émissions :
  • > 9 émissions consacrées à la nomination de Valls à Matignon, et au remaniement,
  • > 7 aux « affaires » (dont six dans la semaine du 5 au 12 mars pour mieux disséquer à chaud les affaires Buisson et Sarkozy),
  • > 3 au "climat politique" et
  • > 1 à "l’état de l’opinion".
Et lorsqu’elle se penche sur l’économie politique,... autant le dire tout net que, écrit Acrimed, l’émission roule à l’essence néolibérale, et évite autant que possible tout autre carburant.

Mais sporadiquement tout de même, dans un élan de munificence, mais très rarement, Yves Calvi invite un économiste un peu moins consensuel à rejoindre la troupe.

Mais c'est un épisode tellement rare qu'il détonne face à nombre d’émissions où des éditorialistes bavards rabâchent leur catéchisme, en se souciant des faits comme d’une guigne pourvu que leurs effets de manche séduisent l’animateur qui est aussi souvent la force invitante…

Un comble pour une émission qui se veut didactique et alimentée par des « spécialistes ».

Et finalement, c’est le téléspectateur qui trinque, piégé sur le service public par un faux pluralisme, induit en erreur par des experts de pacotille, et mal informé par des débats sans autre portée que l’effervescence qu’il déclenchent parmi les maîtres d’œuvre des médias dominants…

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