Espagne: le gouvernement lance la libéralisation du transport intérieur de voyageurs, malgré la dernière catastrophe ferroviaire

2013-07-catastrophe-ferroviaire-en-espagne.JPGSilence, on privatise ! La nouvelle n'a pas fait la une des médias espagnols comme français, une semaine après l'accident dramatique de St-Jacques de Compostelle mais ce 31 juillet s'est ouverte la première phase de la libéralisation du transport de voyageurs en Espagne 

Cela faisait partie des « réformes structurelles » adoptées en juillet 2012 par le gouvernement de droite de Rajoy, en conformité avec le quatrième paquet ferroviaire européen de libéralisation du rail : la libéralisation du transport de voyageurs intérieur. 

Un projet précisé et délimité pour l'instant, d'après le décret d'application de mars, aux seuls transports de voyageurs intérieurs à finalité touristique. 

Une étape dans la libéralisation totale du secteur, au calendrier encore indéterminé, pour les AVE (TGV), les trains à moyenne distance et les trains de banlieue, les gros morceaux de la « RENFE », la SNCF espagnole.

La casse du monopole public de la « RENFE », la SNCF espagnole, en jeu 

Cette mesure marque une nouvelle étape de la casse du monopole public de la « RENFE ». Le fret avait été ouvert à la concurrence en 2003, le transport international de voyageurs en 2010. 

Le démantèlement avait déjà commencé en 2005 avec la division, imposée par Bruxelles, entre le gestionnaire de l'infrastructure, l'ALDIF, et l'opérateur RENFE Operadora. 

En septembre, c'est l'éclatement de la « RENFE » qui est programmé avec le découpage en quatre entités distinctes : voyageurs, fret, maintenance et gestion du matériel roulant. 

Austérité et Coupes dans le chemin de fer : une menace pour le service public … 

Le prétexte invoqué pour les coupes dans le secteur est comme en France, la dette du rail public : 20 milliards d'euros. Une dette inéluctable dans un secteur économique structurellement déficitaire, et avec les missions de service public que doit assurer la « RENFE ».

La dette est un prétexte tout d'abord pour fermer des lignes

48 lignes sont menacées d'ici la fin de l'année tout comme 172 gares. C'est une offre réduite de 32%, et 1,6 millions d'usagers qui seront touchés. 

En réalité, les dessertes pour Madrid et les liaisons longue distance en TGV, rentables, seront privilégiées. Par contre, les trains régionaux et les liaisons à moyenne distance dans les régions déshéritées et dans les zones rurales, pas viables, vont être progressivement démantelés. 

Le gouvernement et la direction RENFE prétendent que les liaisons seront assurés par les « trajets longue distance » sauf que les fréquences comme les prix ne sont pas comparables. En Galice, par exemple, la différence sera au moins de 1 à 2 entre un train régional et un TGV. 

Dans le même temps, des coupes dans le personnel de la RENFE sont prévues : de 1 500 à 2 000 travailleurs cette année. Il faut rappeler que l'Espagne est le pays d'Europe qui compte le moins de cheminots par habitants et par km de rail en Europe. 

Moins de service public pour les couches populaires ... et plus cher. Le 1er mai 2012, la RENFE a augmenté les billets de banlieue et de moyenne distance de 11 et 12 % respectivement. Ce qui fait une augmentation de 30% des tarifs du rail depuis cinq ans. 

et la sécurité après l'accident de Saint-Jacques de Compostelle ? 

La sécurité aussi est en danger. Les causes, multiples sans doute, de l'accident de St-Jacques de Compostelle, qui a fait au moins 80 morts, n'ont pas encore été élucidées. Mais les directions de la RENFE et de l'ADIF se sont empressés de rejeter la faute sur le seul conducteur. 

Or, les premiers éléments de l'enquête montrent un faisceau de raisons dans lesquelles on trouve le manque d'investissements dans le matériel roulant, les infrastructures ainsi que le manque de cohérence des systèmes de signalisation et de sécurité. 

En février dernier, les CCOO (les Commissions ouvrières), l'UGT, ainsi que la CGT (Anarchiste) ont rejeté le « Plan de sécurité » pour l'année 2013 de l'ADIF qui prévoyait des coupes dans les budgets affectés à la sécurité des infrastructures et à la surveillance du réseau. 

En Grande-Bretagne, laboratoire de la libéralisation puis de la privatisation des chemins de fer dans les années 1990, la casse du monopole public avait été suivi par une série d'accidents meurtriers qui avaient fait plusieurs centaines de morts. 

Les derniers événements dramatiques en Espagne – comme le bilan de la privatisation en Grande-Bretagne – sont instructifs pour notre lutte en France, au moment où la « réforme ferroviaire » entame le processus de casse du monopole public de la SNCF.
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