Le président du conseil des prud'hommes de Dieppe appelle à la défense du droit d'élire les conseillers prud'homaux
Discours du Président du Conseil des Prud'hommes de Dieppe lors de la cérémonie d'installation du 31 janvier 2014:
Jusqu'à présent 14 500 conseillers prud’homaux sont élus au suffrage universel direct pour un mandat de 5 ans, et ce, depuis la loi Boulin qui en a généralisé le fonctionnement en 1979.

Exceptionnellement, la loi Woerth du 15 octobre 2010 a reporté le renouvellement général des conseillers Prud’homaux jusqu’au 15 décembre 2015, maximum.

En 2008, déjà la réforme Dati avait supprimé 25% des conseils de Prud’hommes dont le nombre est ainsi passé de 271 à 208. Ceux-ci ont à traiter quelques 200 000 affaires nouvelles chaque années.

Si les salariés sont attachés à cette institution, qui tranche les litiges survenant avec les employeurs, et ne contestent pas son utilité, ils sont pourtant moins nombreux à participer au scrutin.

C’est l’un des arguments avancés par le gouvernement pour supprimer les élections prud’homales en précisant que la loi du 20 Août 2008 permettrait désormais de désigner les conseillers prud’hommes sur la base du résultat de la mesure de l’audience des syndicats représentatifs.

C’est un peu court car d’une part, il y a pratiquement autant de votants aux élections de représentativité qu’aux élections prud’homales, et surtout, d’autre part, lors des élections à l’entreprise, il ne semble pas que l’on ait prévenu les électeurs que leur vote serait pris en compte pour le renouvellement des conseils de prud’hommes.

Il y a donc, non seulement « tromperie », mais aussi mise à l’écart d’une partie du corps électoral.

Plus de 5 millions de salariés sur les 18 que compte le secteur privé n’ont participé a aucune élection professionnelle mesurant l’audience des syndicats (soit du fait qu’il n’y eu aucune organisation à l’intérieur de l’entreprise soit par carence de liste syndicale etc.) alors que les élections prud’homales sont ouvertes à tous les salariés et aux demandeurs d’emploi.

De plus, la loi de 2008 a été conçue pour lever toute contestation de légitimité dans les négociations aux niveaux des entreprises, des branches professionnelles et au plan national et interprofessionnel.

C’est sur cet enjeu de production de normes sociales que les salariés ont été consultés. A aucun moment, ils n’ont été informés qu’ils se prononçaient aussi pour le renouvellement des conseillers prud’homaux.

Si l’on s’appuie sur la baisse de participation pour supprimer les élections prud’homales, je m’interroge sur le devenir aussi des élections européennes qui,à chaque fois,battentson propre record d’abstention.

Le gouvernement avance le coût insupportable de ces élections (91 millions d’euros).

On remarquera au passage que dès lors que l’on parle de favoriser l’expression démocratique des salariés, on nous oppose des questions d’argent.

Une démocratie sociale vivante ne peut être considérée comme un coût.

Il évoque aussi la complexité d’organisation d’un scrutin avec des listes pour cinq sections.

Or, en 2013, aucune élection politique n’a eu lieu. Il aurait été judicieux de maintenir cette élection et de travailler en amont sur l’organisation de ce scrutin.

De plus, compte tenu de ce qui est envisagé pour la représentativité patronale, on aboutirait à ce que des conseillers salariés, désignés sur la base d’un suffrage électoral des institutionsreprésentatives du personnel, siègent aux cotés des conseillers employeurs désignés, eux, sur une représentativité… sans élection.

Un déni de démocratie sociale qui doit conduire à faire savoir au ministre du travail que l’on ne change pas les règles en cours de jeu et que c’est l’élection au suffrage directe et proportionnel qui conditionne la légitimité.

Le risque c’est, qu’en 2015 on se retrouve dans une impasse, qu’on ne soit ni en capacité d’organiser les élections ni de désigner les conseillers.

Il convient de défendre le droit à élire les conseillers prud’hommes et mettre en échec d’autres projets encore moins présentables.

En effet, la remise en cause des électionsprud’homales intervient au moment où il est question de réformer le fonctionnement des conseils de prud’hommes.

Le ministère de la justice aprésenté un vaste chantier appelé « les juridictions du XXIème siècle » dont l’objectif est de regrouper l’ensemble des juridictions de première instance en une seule : le tribunal de première instance.

Comment concilier le fonctionnement d’un tribunal de grande instance, d’un tribunal d’instance, d’un tribunal de commerce, d’un tribunal des affaires de la sécurité sociale et d’un conseil de prud’hommes ? Cela parait difficilement conciliable.

Je ne peux toutefois pas croire à une simple coïncidence entre la suppression annoncée des élections et un projet de réforme qui nierait la spécificité de la juridiction prud’homale.

Après avoir supprimé les élections, il sera plus facile de supprimer les prud’hommes.

Pour DIEPPE c’est la disparition à moyen terme du Tribunal de Grande Instance et donc du Conseil de Prud’hommes.

Il est incohérent que les justiciables soient amenés à faire de nombreuses heures de route pour se présenter devant la juridiction de proximité, ce qui conduit, de fait, à priver certains justiciables de l’accès au juge.

Le chemin de la justice est rendu encore plus difficile pour ceux qui souffrent de la crise et qui placent dans la justice souvent le dernier espoir de voir reconnaître leurs droits.

Mais rien n’est encore acquis, j’en veux pour preuve cette taxe de 35€, imposée pour saisir le conseil de prud’hommes et préjudiciable aux justiciables, vient d’être supprimé.

Néanmoins le conseil reste vigilant et se rapprochera de tous ceux et celles qui souhaite son maintien à DIEPPE."

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