Septième grève des postiers britanniques en trois mois contre les fermetures des bureaux de poste et la privatisation de la Royal Mail
30 juin 2013Il s'agit du septième mouvement de grève chez les postiers britanniques depuis Pâques. Le mouvement entamé par les employés des « Crown offices », les plus prestigieux « Post offices » de Grande-Bretagne, marque le ras-le-bol général des employés de la Royal Mail.
Les « Crown offices » représentent la partie la plus rentable des « Post offices » britanniques : seulement 3% des bureaux mais 20% des clients et surtout 40% des transactions financières. Situés dans les centre-villes, ils représentent un patrimoine immobilier juteux.
Pour la direction de la Royal Mail, dans le cadre du plan de privatisation général de l'entreprise, c'est le premier « joyau de la Couronne » à dilapider.
Face à ce plan social de grande ampleur, consécutif à un gel des salaires pendant deux années, les 4 000 employés des « Crown offices » ont voté à 88% une journée de grève nationale.
Pour le Syndicat des travailleurs de la communication (CWU), l'indignation vient de la comparaison avec les profits réalisés par le groupe « Post office », 61 millions de £ depuis septembre, ainsi que les bonus partagés par les patrons du groupe :
« Quand on apprend que les patrons des Post office se sont partagés 15 millions de £ de bonus, leurs plans de fermeture de bureaux, de suppressions de poste et leur refus d'accorder des hausses de salaire aux employés des bureaux de poste est incroyable.
« Les employés des bureaux de poste, les clients et les riverains continueront à se battre pour leur bureau de poste local, qu'ils estiment au plus haut point. Le soutien est toujours énorme. Les patrons ne pourront pas garder encore longtemps leur tête dans le sable. »
Ce plan de fermeture des bureaux de poste s'intègre plus largement dans le plan de privatisation des Postes britanniques. Un plan dessiné par la « Loi sur les services postaux » de 2011, confirmé en avril 2013 par le Ministre du Commerce, Michael Fallon.
Selon le projet gouvernemental, l'ouverture du capital de la Royal Mail conduira à la vente de jusqu'à 90% des actifs de l'entreprise publique, la direction proposant en échange de réserver les 10% restants aux salariés.
Mais la proposition de laisser 1 500 £ d'actions à chaque employé n'a pas convaincu les 112 000 postiers britanniques qui ont refusé, lors d'un scrutin interne organisé par le syndicat, à 96% le plan gouvernemental.
Le projet de privatisation de la Royal Mail est le plus important depuis la privatisation des chemins de fer (British Railways) dans les années 1990. Le schéma d' « actionnariat salarié » dépassant largement celui déjà proposé en 1986 au moment de la privatisation du British Gas.
Dans les années 1980, Margaret Thatcher, qui avait pourtant privatisé le gaz, les télécoms, les transports aériens n'avait pas osé privatiser la Poste : « Je ne suis pas prête à privatiser la tête de notre Reine », disait-elle alors.
Le projet de privatisation de la Poste britannique, largement rejeté par les salariés et la population britannique, s'inscrit dans un vaste processus de socialisation des pertes et de privatisation des profits.
En effet, le gros problème de la Royal Mail restant le caractère déficitaire de son système de retraite, le gouvernement conservateur avait décidé l'an dernier de nationaliser le système de retraite pour éponger le déficit du système de retraite de l'entreprise publique.
L’État amis la main sur l'ensemble des actifs du Fonds de pension (dont le patrimoine immobilier), d'une valeur de 26 milliards de £, faisant temporairement baisser le montant de la dette publique.
Dans le même temps, dans un système structurellement déficitaire, il promet de payer les futures retraites des 450 000 anciens postiers, alors que le passif du système s'élève actuellement à 37 milliards de £, soit une différence de 9 milliards de £ payée désormais par le contribuable, tout en laissant ouverte la possibilité ultérieure de casser le système de retraites.
Enfin, libéré du fardeau de son système de retraites déficitaire désormais nationalisé, la Royal Mail est prête à l'ouverture à la concurrence et surtout à la privatisation de son capital, et surtout de ses profits.
Lire un précédent article sur la privatisation du rail britannique, qualifié de vol de grand chemin par une étude officielle