HÔPITAL DE DIEPPE : LA RÉALITÉ DU TERRAIN
31 mars 2020Témoignage sur la situation à l’hôpital de Dieppe par son syndicat CGT
Si le Ministre de la Santé, Véran, fonctionnait comme Pinocchio, son nez aurait déjà atteint le pôle Nord.
Le premier décès du Coronavirus en France remonte au 14 février.
Il a déclaré le 29 mars : « Il n’y a eu aucun retard dans les décisions ».
Ce n’est pas du tout la réalité de ce que nous vivons à l’Hôpital de Dieppe.
Tous les collègues ont commencé à rechercher des masques et à en porter vers le 13 mars.
Après le discours de Macron le 16, les problèmes sont apparus de plus en plus aigus : pas de masques en nombre nécessaire, consignes changeant tous les jours.
Le 16 au matin au syndicat CGT des hospitaliers de Dieppe, nous nous sommes mis d’accord : le syndicat doit continuer de fonctionner, les décharges sont maintenues, nous prendrons toutes les précautions mais nous maintenons les tournées dans les services. Par mail, par texto, nous assurons le lien avec nos 210 adhérents, tout en assurant notre rôle auprès des salariés.
Les sollicitations sont multiples, venant de l’EHPAD, de la réanimation, des Urgences, de la Médecine, en fait de tous les services…
Le 16 mars nous écrivons dans notre tract : « Les hospitaliers sont en première ligne, et font leur travail, face à l’épidémie et pour faire fonctionner l’Hôpital public. Des mesures exceptionnelles sont prises. Les hospitaliers doivent pouvoir travailler en bénéficiant de toutes les protections nécessaires, pour eux-mêmes et pour leur famille ».
Dans la semaine du 16 au 23 mars, les masques sont enfin disponibles pour les soignants de l’Hôpital, mais refusés aux agents administratifs (même quand elles font de l’accueil) refusés en EHPAD, refusés aux ouvriers.
Des réponses farfelues nous redescendent de la Direction : «Pas besoin de masque tant qu’on ne parle pas pendant 15 minutes à moins d’un mètre – Pas besoin de masques en EHPAD – Les administratives ne sont pas exposées… ».
Les arguments changent tous les jours, en écho aux consignes ministérielles.
Nous avons exigé très vite un CHSCT extraordinaire, et insisté pour que la totalité des collègues, tous services et toutes catégories, soit protégée.
Ce n’est qu’après une semaine, soit le 20 mars à 10h25, que les masques ont été autorisés en EHPAD.
Pour les ouvriers et les administratifs, la Direction recommande (consigne de la cellule de crise du 20 mars) l’utilisation d’un masque par semaine ??? (Le fabriquant annonce une efficacité pendant 3 heures). On a même entendu : « Ce n’est pas parce qu’une administrative est malade que l’Hôpital va s’arrêter ». C’est du mépris pour les hospitaliers !
Les propos du Président tressant nos louanges ne font pas illusion !
Le 16 mars, l’ensemble des 23 manipulatrices radio sortent une déclaration avec la CGT qui dit :
"Dans le contexte actuel de pays en tension, en raison du déclenchement du plan blanc suite à la recrudescence du Coronavirus, et compte tenu de leur conscience professionnelle, les manipulateurs en électroradiologie médicale décalent les actions prévues le mardi 17 mars.
L'implication des manipulateurs est entière dans la prise en charge spécifique des patients porteurs ou présumés Covid-19 (scanners, radiographies au lit...), donc au plus près des patients.
Nos revendications locales et nationales ne sont pas pour autant oubliées.
Nous pouvons même dire que les propos que nous entendons ces derniers jours au sommet de l’Etat donnent un caractère aigu à nos demandes.
Nous avons entendu parler de « héros en blouse blanche ». Nous croit-on assez naïves et naïfs pour nous distraire avec de tels propos ? Nous ne demandons pas de louanges ni de décoration, nous faisons notre travail, comme tous les hospitaliers.
Depuis des années nous demandons notre dû : des grilles salariales revalorisées (et des primes) en rapport avec notre qualification et nos responsabilités. Des salaires revalorisés (point d’indice) et non gelés, la catégorie active pour la totalité des MERM, ce qui veut dire la préservation de la CNRACL actuellement mise à bas par ceux qui nous encensent."
Le 19 mars, une banderole est accrochée au rond-point de la rue de Chanzy pour marquer notre colère.
Malgré cette situation, les médecins, les hospitaliers et la Direction locale font des aménagements énormes pour permettre l’accueil aux Urgences selon un circuit distinct.
Les lits réservés pour le coronavirus, ou les suspicions, sont augmentés ou créés en nombre : au 2ème étage de médecine, 27 lits sont réservés Covid 19 (+ 20 si besoin) et en Réa, 25 lits sont prévus en ouvrant et équipant des lits (avec respirateurs) dans une autre unité, l’UCC.
Bien sûr « l’ambiance » à l’Hôpital est modifiée. Chacun prend les choses avec sérieux, conscience professionnelle mais aussi inquiétude. Des soignants ne font plus la bise à leurs enfants en rentrant le soir. Des collègues indiquent aussi que les journées sont lourdes quand il faut, en rentrant, faire travailler les enfants à la maison pour ce qui est préparé par les enseignants.
L’inquiétude est grande mais surtout de la colère car les chiffres circulent : 1500 collègues de l’APHP (hôpitaux parisiens) sont infectés. 46 collègues du CHU de Rouen et 7 hospitaliers du GHT de Dieppe sont également infectés.
Mais nous essuyons refus sur refus quand nous demandons que tous les collègues, à commencer par les services les plus au contact, soient dépistés. C'est scandaleux !
Les exemples de défaillance de matériel sont extrêmement nombreux, nous sommes prêts de la rupture pour la fourniture de surblouses.
L’Hôpital fait en permanence appel aux dons des entreprises et des particuliers.
Des militants CGT sont intervenus pour que leur entreprise donne des masques et nous les en remercions.
N’est-ce pas scandaleux que Véran, ministre de la santé, et l’ARS contraignent la Direction de l’hôpital à ça ?!?
Cela souligne que, pour se sauver et sauver la population, il faut agir sans le gouvernement et même face au gouvernement.
Enfin pour terminer, encore un exemple scandaleux : il manque des masques FFP2, les "manips radio" qui font les scanners du thorax pour les patients infectés n’en ont pas !
Une collègue nous a raconté qu’une patiente qu’elle a installée, a toussé à 20 cm de son visage !
Nous exigeons des masques FFP2 en nombre maintenant et non pas sur les images de BFM ou dans les mensonges télévisés du gouvernement.
Dernière info : nous lançons cet après-midi la signature d’une lettre ouverte à Véran, pour des tests, des masques et des protections, tout de suite. Nous la ferons suivre sur le blog. Restez connectés...