On ne commente pas une décision de justice ! Le billet de Jacky Maussion
11 mai 2020
On ne commente pas une décision de justice !". Combien de fois avons-nous entendu ce postulat hypocrite lors d'une condamnation de militants de la CGT.
Par contre le jugement du tribunal du Havre concernant Renault Sandouville fait visiblement exception. On commente, on argumente, on juge, on montre du doigt, on accuse, on vilipende, on voue aux gémonies, on exige un châtiment exemplaire...
Irresponsables tonne Laurent Berger de la CFDT, FO n'est pas en reste, la CGC s'étrangle, Bruno le Maire, ministre de l'économie y va de son grain de sel, " Il regrette la décision de la CGT" .
Chacun sait, évidemment que c'est la CGT qui rend la justice dans ce pays.
L'inévitable ministre du travail, Murielle Péricaud, entre en scène : "Elle est choquée par l'attitude de la CGT". Elle poursuit : 700 intérimaires ne vont pas pouvoir reprendre le travail !". Parlons- en des intérimaires. A Sandouville pour 2000 salariés, il y a 700 intérimaires.
La proportion est a peu près identique dans les autres usines du groupe, notamment à Cléon. 700 ouvriers, pour la plupart, qui servent de variable d'ajustement à la production et qui peuvent être "remerciés" dans la journée selon les aléas des incertitudes du marché.
La syndicalisation de ces ouvriers dans ces conditions est marginale, voire impossible.
Les syndicats CGT des usines du groupe, souvent seuls, très seuls, dénoncent cette politique de précarité organisée, institutionnalisée. Ils exigent, contre vents et marées, l'embauche des intérimaires.
Si le ministre de l'économie et la ministre du travail et de l'emploi veulent être crédibles dans leur défense des intérimaires il faut qu'ils exigent leur embauche immédiate et qu'ils mettent fin à leur statut de travailleur précaire. Après on discutera sérieusement...
D'ailleurs dans le concert de commentaires, il en est un qui n'est pas passé inaperçu pour nos camarades.
Je comprends et je partage les réactions de colère des militantes et des militants de la CGT concernant la déclaration de Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, suite à l'action du syndicat CGT de Renault Sandouville et le jugement du tribunal obligeant la direction à revoir sa copie.
Dans cette affaire, le syndicat CGT Renault Sandouville à joué son rôle de syndicat, ni plus, ni moins, et Laurent Berger le sait très bien. Non, je crois qu'il faut mettre en évidence, une succession de prises de positions intervenues dans la dernière période pour comprendre ce qui se dessine.
En premier lieu, sans aucun doute, la direction de la CFDT a été mise en difficulté ces derniers mois sur sa posture de défendre, envers et contre tous, le projet des réformes de retraite du gouvernement. A tel point que l'on pouvait légitiment se poser la question s'il ne s'agissait pas d'une réforme initiée par la CFDT elle-même.
Et puis il y a ce communiqué, sans précédent, signé en commun par le MEDEF, la CFDT et la CFTC, la veille du 1er mai.
Même si le 1 er mai n'entre pas dans les traditions de la CFDT, tout de même, il fallait oser.
Que dit ce communiqué ? Que les salariés peuvent reprendre le travail sans problème, a condition (pour la forme) que les conditions sanitaires soient réunies. Mais il indique clairement autre chose ce communiqué. On peut s'entendre avec le patronat, sans problème, la confrontation de la lutte des classes n'est plus d'actualité, la preuve, la veille du 1er mai des syndicats peuvent afficher une position commune avec le patronat.
Le message est clair. La prise de position de Laurent Berger sur " l' irresponsabilité" de la CGT est à l'évidence plus politique que syndicale.
A la suite, du pacte écologiste et social initié par une grande partie de ce qui reste de la social démocratie, Laurent Berger vient de s'engager derrière l'appel de Nicolas Hulot intitulé " Le temps est venu pour poser les premières pierres d'un nouveau monde".
La dénonciation du système faite par les signataires pourraient nous convenir, sauf que ce fameux système n'est jamais nommé. Avec quel système s'agit-il de rompre ?
Et puis, toujours dans les derniers jours, il y a la publication du très libéral Institut Montaigne sur les congés payés et le temps de travail. J'ajoute à tout cela, l'engagement de la CGT aux côtés de dix-sept associations écologistes, syndicats, "pour que le jour d'après soit en rupture avec le désordre néo-libéral".
Ce billet est trop court pour aller plus au fond...Mais il devrait tous nous inciter à débattre et à continuer à apporter notre pierre à la construction d'une alternative au système. A ne rien lâcher, en quelque sorte, sur la lutte pour la transformation sociale de la société et la lutte pour la défense au quotidien des intérêts des salariés, comme cela vient d'être fait chez Renault, à Sandouville.