PRECARITE En dépit des dénégations gouvernementales, le CPE offre aux jeunes bien moins de sécurité que le CDD et le CDI, avec qui il entre en concurrence frontale. Avec, parmi ses enjeux, la substitution des emplois stables par des emplois précaires. Décryptage. Par Frédéric Dayan
 
Avec le CPE, contrairement au CDD et ~ a fortiori au CDI, la rupture du contrat n'a plus besoin d'être justifiée. Dans le cas d'un CDD, la rupture avant l'expiration entraîne de facto l'obligation pour l'employeur de payer le salarié jusqu'au terme du CDD (sauf en cas de rupture d'un commun accord ou pour faute lourde). Avec le CPE, Le sala­rié, présent depuis au moins un mois, béné­ficie d'un préavis de deux semaines pour un contrat de moins de six mois et d'un mois pour un contrat plus long. En cas de rupture du CPE après quatre mois de travail, chaque jeune aura droit pendant deux mois à une al­location forfaitaire d'un montant mensuel de 460 euros et financée par l'État.
Le jeune licencié en CPE touchera une indem­nité égale à 8 % du montant total de sa rému­nération brute due depuis la conclusion du contrat, alors que dans le cas du CDD l'in­demnité de précarité d'emploi se monte à 10 % du salaire brut. S'il ne présente pas les condi­tions ouvrant droit à une allocation chômage, et s'il a travaillé au moins quatre mois, chaque jeune a droit pendant deux mois à une al­location forfaitaire de 16,40 euros par jour.
 Logement et crédit Le CPE n'arrange rien
 
Pour faciliter l'accès au logement des salariés en CPE, le dispositif du Locapass, qui offre un étalement du paiement de la caution, sera proposé «systématiquement» dès la signature du CPE assure Matignon. Mais, «les compagnies d'assu­rances qui garantissent le paiement des loyers le considèrent comme un contrat précaire et refu­sent de le prendre en compte», explique le prési­dent de la Fédération nationale de l'immobilier. Lequel souligne que même avec le système Loca­pass, le problème persiste car les «bailleurs ne sont pas trop favorables» à ce système qui ne couvre pas la durée du contrat de travail (deux ans), ni la durée du bail (trois ans). Quant au crédit, le Premier ministre assure que les banques joueront le jeu en considérant les jeunes en CPE au même titre que les salariés en CDI. Mais on se souviendra que dès octobre 2005, la société de crédit Diac (groupe Renault) avait émis une note invitant les cadres de son réseau à considé­rer les salariés en CNE comme s'ils étaient en CDD, c'est-à-dire bel et bien comme des précaires.
w En cas de rupture du contrat durant les ~ deux premières années, un nouveau CNE entre l'employeur et le jeune pourra être conclu après trois mois. Il y a donc là recul par rapport au CDD. En effet, si un jeune est soumis à plusieurs CDD consécutifs, ceux-ci peuvent être «requalifiables» en un CDI. À noter que si un syndicat peut ester en jus­tice à la place du salarié pour faire qualifier des CDD successifs en CDI, le CPE ne le per­met plus.
D'ailleurs, le CPE est une arme redoutable contre les syndicats qui auront du mal à lut­ter contre la substitution des emplois stables par des emplois précaires. En effet, par exem­ple, un CDD ne peut être conclu pour accrois­sement temporaire d'activité là où l'entreprise a procédé à un licenciement économique. Avec le CPE rien n'interdit de remplacer un salarié licencié. De même si le CDD est subordonné à un surcroît exceptionnel de tra­vail ou le remplacement d'un salarié absent, le CPE n'impose plus cette obligation. Par ailleurs, lorsqu'un CDD prend fin, il n'est pas possible d'avoir recours sur le même poste à un nouveau CDD avant l'expiration d'un «délai de carence », égal au tiers de la durée du contrat précédent. Là encore, le CPE exonère les employeurs de cette contrainte.
x Parce qu'il dispense l'employeur demotif pour licencier, le CPE met, de fait en cause le droit au congé maternité avant 26 ans, voire au-delà de 26 ans avec le CNE, puisqu'on ne voit vraiment pas pourquoi un employeur serait assez généreux pour conser­ver aux femmes leur droit à la rémunération et à l'emploi au retour de maternité.
De même, alors que la plupart des salariés débutants rechignent à pousser la porte d'un syndicat tant que leur situation n'est pas sta­bilisée, on peut imaginer qu'il sera difficile, demain, de prendre le risque d'être congédié sans motif, simplement parce qu'ils auraient participé à une heure d'information syndi­cale ou, pire, se seraient syndiqués. Quant au harcèlement moral et sexuel, on se demande bien quel rempart pourrait encore protéger ces salariés ...  
10 février 2006 1 La Nouvelle Vie Ouvrière
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