Il faut tirer des enseignements pour Dieppe, de l'affaire du TK Bremen !
27 déc. 2011
Sorti en mer malgré la tempête annoncée, le cargo TK Bremen s’est échoué le 16 décembre 2011 sur la plage d'Erdeven, laissant échapper des hydrocarbures qui ont souillé le cordon dunaire et la Ria d’Etel.
Dans de telles conditions atmosphériques, quelles raisons ont conduit le capitaine à quitter le port de Lorient où il se trouvait à l’abri.?
Premières victimes de cette souillure : évidemment la faune et la flore, et en particulier les parcs à huitres de la Ria qui, à cette époque de l’année, n’avaient pas besoin de cela.
Le cargo TK Bremen était un navire Maltais comme l’était l’Erika. Navire Maltais de 30 ans, battant pavillon de complaisance et très endommagé, il ne prendra plus la mer, et sera démantelé sur place.
Les questions ne manquent pas pour essayer de comprendre ce drame. Le DK Bremen était-il fiable ? Dans quel état de flottabilité était-il ? Qui a assuré le contrôle de navigabilité ?
Mais peu de monde pointe le problème posé par l’état dans lequel se trouve toute la flotte mondiale d'aujourd’hui, alors que le transport maritime assure près de 90 % des échanges mondiaux. Il subit une libéralisation à outrance, aux conséquences terribles. Car dans la plupart des cas de pollutions maritimes liées aux accidents de navires pétroliers ou de cargos, l’état général des bateaux, la responsabilité des armateurs, l’immatriculation sous pavillon de complaisance et les conditions sociales des équipages sont toujours pointés du doigt.
L’Association Brestoise MOR GLAZ estime que le tiers de la flotte mondiale est en mauvais état ; le président des armateurs européens dit, lui, que un quart des navires devrait être détruit car ils sont dangereux.
Pourtant des pavillons de complaisance, ils en existent au niveau européen, comme à Malte mais aussi en France, en Belgique, en Allemagne … Cela permet aux armateurs de limiter le recours à des marins nationaux, voire à ne pas en avoir du tout, pour recruter des marins de différentes nationalités via des sociétés dites "de Manning", véritables marchands d’esclaves, tout cela pour les payer moins chers, voire pas du tout, comme cela arrive souvent. Evidemment, Quid de la formation, des règles de droit et de sécurité : le profit avant tout !
Le littoral est une zone fragile, c’est vers lui et sur lui que convergent toutes les pollutions, de terre et de mer. Il faut donc agir sur l’amont et l’aval du territoire pour préserver la qualité écologique de l’écosystème côtier. Mais est-ce suffisant ? Gérer les activités agricoles et économiques pour réduire les rejets polluants, et conserver ainsi la qualité des eaux qu’imposent les activités maritimes telles que la conchyliculture ou la pêche, ne doit pas conduire à se dispenser de se préoccuper des bateaux qui naviguent au large ou à proximité des côtes, du cargo au pétrolier, et de leurs équipages
Assainir les eaux usées et concevoir des schémas directeurs de gestion des eaux pluviales, c’est assurer des rejets maîtrisés. C'est bien, mais il est évident que cela ne suffit pas ! Il faut s'occuper de la marine marchande et avoir des ports de commerce disposant de moyens suffisants en capacités de réparation navales et d'aires de carénages.
Empêcher les bateaux poubelles de naviguer ne règle pas leur devenir lorsqu’ils restent à quai définitivement ; comme des ordinateurs ils deviennent des déchets spéciaux qu’il faut traiter. Mais la solution actuelle, qui consiste à les faire échouer en Asie (Turquie, Bangladesh, Chine, Inde, Pakistan): 90 % des chantiers de démantèlement s’y trouvent, 600 à 700 navires par an y sont dépecés malgré la Convention de Bâle qui interdit ce sinistre trafic destructeur de vie humaine et de biodiversité.
L’Europe a une lourde responsabilité dans cette affaire : un tiers des bateaux en mauvais état bat pavillon d’un Etat membre, ou est propriété d’une entreprise européenne.
Alors à quand la création de chantiers de déconstructions de navires en France (par exemple en Haute-Normandie) où respect des normes sociales et environnementales sont de droit ?
Le risque de pollution qu’implique le trafic maritime ne doit pas amener à réduire ce mode de transport qui reste très efficace énergiquement pour déplacer les marchandises.
Pour décongestionner la route et réduire ainsi les pollutions et nuisances causées par le fret routier, le recours au transbordement des Poids Lourds par bateaux sur une partie de leur trajet est une solution simple et écologique à développer.
Au niveau européen plus de 40 % des marchandises échangées, en vrac majoritairement, prennent déjà la mer ; aller au delà du cabotage traditionnel avec des autoroutes de la mer qui relient les pays de manière régulière constitue une alternative rapide (au même titre que le rail) au tout routier. Il en existe déjà entre l’Espagne et l’Italie.
Parallèlement, l’implantation prochaine de champs d’éoliennes en mer repose le problème de sécurité maritime, particulièrement en cas de tempête. Car des navires poubelles il en passe au large de Dieppe comme ailleurs. Cela devrait conduire les pouvoir publics à se poser la question du renforcement des capacités d’interventions rapides à partir des ports de la Manche, et notamment celui de Dieppe.
Actuellement rien n'est en place pour empêcher qu'une catastrophe similaire à celle de l'Erika ou du TK Bremen ne se produise sur nos côtes normandes, pourtant sujette à des tempêtes aussi dévastatrices que celles de l’Océan Atlantique; l’histoire maritime locale en est remplie.
Que se passerait-il si un navire du même genre que le TK Bremen se déchirait sur une des centaines d'éoliennes qui vont être implantées au large de Dieppe ? Que se passerait-il si des rejets d'hydrocarbures se mélaient à l'eau de mer servant au refoidissement de la Centrale électronucléaire de Penly ?
Aujourd’hui, c'est évident, les moyens de secours sont implantés trop loin. Le port de Dieppe n’a plus les moyens de jouer un rôle dans la sécurité maritime, pas plus qu’il ne peut réparer de navire en panne. Pourtant l'affaire du TK Bremen nous en pose la question.
Améliorer la sécurité en mer et prévenir les accidents c’est augmenter les moyens humains de contrôle et techniques qui y sont consacrés. Il faut y réfléchir rapidement, et en tirer tous les enseignements pour la sécurité (et l'emploi) dans la région dieppoise.