Le Service public : Pourquoi? Comment ?
Le Service public : Pourquoi? Comment ?
La notion de Service public est essentielle en France, car elle est l’expression du droit. Le Service Public est la matérialisation du droit, c'est-à-dire de l’égalité devant la loi
C’est pourquoi la « défense » du Service public, ou la crainte de sa« remise en cause » sont des thèmes récurrents du débat politique et social. Par exemple, durant les grèves de novembre et décembre 1995, le Premier ministre a cru pouvoir apaiser le climat en proposant d’inscrire la notion de service public dans la Constitution. C’est dire son importance capitale …
Pourtant si l’on cherche une définition du Service Public, il s’avère qu’il est quasiment impossible d’en trouver une. La notion de Service Public fluctue selon les époques, depuis la nuit des temps, en fonction du rapport de force dans la société. De plus, ceux qui s’attaquent au Service public ne souhaitent pas qu’il y en ait une définition claire.
Pourtant la définition du Service Public est relativement simple :
Le Service Public est un ensemble de moyens qui permettent aux citoyens d’exercer ou de faire valoir leurs droits fondamentaux d’hommes et de femmes libres dans notre mode d’organisation de société qui s’appelle la République.
Il est donc important de revenir sur les principes et les fondements des droits, et les moyens nécessaires à leu mise en œuvre, pour comprendre de quoi on parle lorsqu’on parle de Service public.
A- Les bases historiques du Service Public
Depuis l’époque de Colbert (XVIIe siècle), la puissance publique a toujours considéré qu’elle avait un rôle à jouer dans le développement économique du pays, notamment lorsque les opérateurs économiques étaient défaillants, ou que les investissements étaient tellement lourds, ou que le retour sur investissement, c'est-à-dire la rentabilité, était tellement lent que cela dissuadait les opérateurs capitalistes d’agir.
Une certaine forme de Service public a donc, en conséquence, souvent servi de base à cet effort de développement dans des domaines extrêmement variés :
· Transports ferroviaires (le Plan Freycinet à la fin du XIXe siècle),
· Transports aéronautiques (ex : le Concorde),
· La généralisation de l’Electricité sur tout le territoire national avec EDF,
· Le développement du Téléphone avec les PTT
· Etc.
Au milieu du 20e siècle, la 2e guerre mondiale un événement fondateur pour notre société et le Service Public Moderne.
Dans la 2e guerre mondiale, la Résistance a joué un rôle fondamental, et à l’intérieur de la Résistance, le Parti Communiste et la CGT on joué un rôle essentiel. Tout le monde connaît le rôle du Conseil natioal de la Résistance et celui de son programme dans la reconstruction de la France, et le retour à la démocratie.
Cette action a débouché sur l’écriture d’un texte qui tout le monde oublie, mais qui est fondamental, qui est toujours en vigeur: il s’appelle « Préambule de la Constitution de 1946 ».
Ce texte fondamental pour nos droits, est toujours le préambule de la constitution de 1958, c'est-à-dire celui de la 5e république. Ce texte est essentiel. Il est au cœur même de notre droit, il est son fondement, et est la base du Service Public, comme l'est aussi la « Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ».
Dans ce préambule de la Constitution seul l’alinéa 9 fait référence spécifiquement au Service Public, mais de quelle manière !
Alinéa 9 : « tout bien, toute entreprise dont l’exploitation acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait doit devenir une propriété publique ».
Mais plus largement plusieurs articles de ce préambule renvoient implicitement à la nécessité de Service Public pour les mettre en œuvre, comme par exemple ses alinéa 10, 11, 12, 13 qui disent :
L’alinéa 10 : « La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement »
L’alinéa 11 : « Elle [la Nation] garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence. »
L’alinéa 12 : « La Nation proclame la solidarité et l'égalité de tous les Français devant les charges qui résultent des calamités nationales ».
L’alinéa 13. « La Nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L'organisation de l'enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l'Etat. ».
Si l’on ne fait pas référence à ces principes de base, sur lesquels notre société repose, on ne peut pas comprendre ce qu’est véritablement un Service Public, et on risque de se laisser embarquer par toutes les manipulations politiciennes qui visent à nous écarter de l’essentiel.
Un Service Public vise donc à assurer la Liberté de chaque citoyen, et lui permettre de pouvoir exercer ses droits, et de défendre ses besoins vitaux.
En conséquence l’expression Service Public désigne trois éléments différents :
- · Une mission, qui est une activité d’intérêt général qui est définie dans ces principes fondateurs du droit, que l’on retrouve dans le préambule de la Constitution, ou dans la déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen.
- · Un mode d’organisationconsistant, de façon directe ou indirecte, à faire prendre en charge ces activités d’intérêt général, rendues obligatoires de par la constitution, par des personnes publiques (État, collectivités territoriales, établissements publics) ou privées mais sous le contrôle d’une personne publique.
- · Un statut pour le personnel chargé de faire fonctionner ces services publics, de manière à ce qu’ils puissent assurer leurs missions en toute indépendance vis-à-vis des pressions extérieures.
Le Conseil d’Etat a défini plus précisément la notion de Service public en 1963 en considérant comme appartenant à cette catégorie les organismes répondant à certaines caractéristiques :
- => Ils doivent avant tout satisfaire l’intérêt général, et donc ne pas recourir à la rentabilité et à la recherche du profit (à la différence des entreprises) ;
- => Ils doivent se trouver sous la direction d’une personne publique ou privée ; le second cas, nécessite l’application de règles particulières. D’une part, des prérogatives de puissance publique lui sont accordées, d’autre part, des obligations particulières lui sont dévolues.
- => Enfin, ils doivent se soumettre à un régime juridique particulier (droit public).
Selon les finalités poursuivies, le service public remplit quatre fonctions principales. De ce fait on distingue plusieurs types de services publics :
- => Les services publics à finalité d’ordre et de régulation (la défense nationale, la justice, les finances, etc.),
- => Ceux ayant pour but la protection sociale et sanitaire (la sécurité sociale, le service public hospitalier, la protection civile, etc.),
- => Ceux à vocation éducative et culturelle (l’enseignement, la recherche, le service public audiovisuel…)
- => Et ceux à caractère économique (les Transports, les Télécommunications, la Poste, l'Energie, etc.).
- => La continuité du service public
- => L’égalité devant le service public
- => L’adaptabilité ou mutabilité du service public
1- Le premier principe est celui de la continuité du service public. Il constitue un des aspects de la continuité de l’État et a été qualifié de principe constitutionnel par le Conseil constitutionnel en 1979.
Il repose sur la nécessité de répondre aux besoins d’intérêt général sans interruption dans le temps ou dans l’espace, quel que l’endroit du territoire national où l’on se trouve (que l’on soit en ville ou à la campagne, que l’on soit sur le territoire métropolitain ou dans les départements et territoires d’outre-mer).
Cependant, selon les services, la notion de continuité n’a évidemment pas le même contenu (permanence totale pour les urgences hospitalières, la police, l’aviation civile, etc. et horaires adaptés pour d’autres).
La jurisprudence du Conseil d’État est très précise sur cette exigence : est ainsi condamné un service qui ne respecterait pas les heures d’ouverture annoncées (ouverture tardive, fermeture hâtive).
2- Le deuxième principe est celui de l’égalité devant le service public, lui aussi principe à valeur constitutionnelle.
C’est l’application à ce domaine du principe général d’égalité de tous devant la loi, proclamé par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Il signifie que toute personne a :
· un droit égal à l’accès au service,
· qu’elle participe de manière égale aux charges financières résultant du service (égalité tarifaire sauf pour les services facultatifs, tels que les écoles de musique),
· qu'elle doit être traitée de la même façon que tout autre usager du service.
Ainsi, le défaut de neutralité – principe qui est un prolongement du principe d’égalité – d’un agent du service public, par exemple une manifestation de racisme à l’encontre d’un usager, constitue une grave faute déontologique.
De même le défaut de probité et la corruption en constituent d’autres fautes déontologiques.
Dans le cadre du Statut des fonctionnaires, ces fautes sont sanctionnées par du licenciement, avec perte du droit à la retraite ; un fonctionnaire peut avoir travaillé 30 ans, ses annuités de retraite son annulés !.
3- Enfin, le dernier principe de fonctionnement du service public est celui de l’adaptabilité ou mutabilité.
Présenté comme un corollaire du principe de continuité, cela signifie que le service public ne doit pas demeurer immobile face aux évolutions de la société ; il doit suivre les besoins des usagers (ex : souplesse d’organisation des services publics) ainsi que les évolutions techniques : par exemple, pour ce qui est des télécommunications, Internet haut débit remplaçant progressivement le réseau téléphonique traditionnel, par le biais des Box, pour assurer le service du téléphone, Internet haut débit devrait intégrer le service universel des télécommunications, c'est-à-dire le Service Public des télécommunications, ce qui n’est aujourd’hui pas le cas.
Le fait qu’il ne soit pas Service public fait qu’il n’y a aucune obligation à donner un droit égal d’accès à Internet haut débit, qu’il n’y a aucune obligation à monter le réseau en débit, ni évidemment aucune obligation à une égalité tarifaire.
Les traités sur l’Union européenne et instituant la Communauté européenne sont en contradiction avec le principe de Service Public tel qu’on le connait en France, et défini ci-dessus, parce qu’ils accordent une place prépondérante au principe de concurrence.
C’est pourquoi les rares dispositions traitant des services publics ne se présentent que comme des exceptions au principe de concurrence, envisagées de manière très restrictives.
Dans le vocabulaire européen, on ne parle pas de services publics mais de « services d’intérêt général (SIG) » et de « services d’intérêt économique général (SIEG) ».
Cependant, seuls les « services d’intérêt économique général (SIEG) » sont mentionnés dans les traités européens mais sans être définis. Dans la pratique, les de « services d’intérêt général (SIG) » désignent les services marchands et non marchands que les États considèrent comme étant d’intérêt général et qu’ils soumettent à des obligations spécifiques de service public.
Les services d’intérêt économique général (SIEG) ont un sens plus restreint et désignent uniquement les services de nature économique soumis à ces obligations de service public (comme les transports, les services postaux, l’énergie, les télécommunications). Ils constituent en quelque sorte un sous-ensemble des SIG. Seuls les SIEG sont soumis aux règles de la concurrence, à la seule condition que l’accomplissement de leur mission ne soit pas compromis.
Dans cette optique restrictive, plusieurs directives ont mis fin, pour de nombreux services publics, aux situations de monopole qui étaient consubstantiels de la mise en œuvre des obligations des canons fondamentaux du droit français (exemple de la directive qui a entraîné le vote de la loi du 26 juillet 1996 autorisant la concurrence en matière de télécommunications).
La Commission européenne a mené l’offensive idéologique contre les services publics en publiant notamment un Livre vert (2003) et un Livre blanc (2004) sur les services d’intérêts généraux (SIG) en avançant l’idée que ces derniers constituent désormais un élément essentiel du modèle de société européen, sous prétexte qu’ils permettraient d’améliorer la qualité de vie de tous les citoyens et de lutter contre l’exclusion sociale. On a vu que sur la question des télécommunications, ce n’était pas le cas.
Le projet de Constitution européenne, retoqué par référendum mais voté par le congrès (Assemblée nationale + Sénat) consacrait d’ailleurs la place des « services d’intérêt économique général (SIEG) » dans le modèle communautaire, puisque l’Union et ses États membres devaient veiller à ce qu’ils fonctionnent selon des conditions, notamment financières, leur permettant d’accomplir leurs missions.
Dans ces conditions, le droit communautaire constitue bien une menace pour le Service public, car l’obligation de permettre au citoyen d’accéder à l’exercice de ses droits n'est pas absolue, et dépend des moyens pour les mettre en oeuvre. Il n'oblige pas à répondre aux besoins d’intérêt général sans interruption, ni n'oblige à l'égalité devant le service. Donc il ouvre la porte à des réformes de l’organisation des services, et à l'éloignement d'avec les valeurs fondamentales du Service Public.
Avec toutes les conséquences que l’on connait :
- · Fermeture des petites maternités, menaces sur les petites entités hospitalières
- · Fermeture des bureaux de poste, ou réduction de leurs horaires d’ouvertures,
- · Transfert d’une partie de guichets des bureaux de Poste aux collectivités locales ou à des commerçants.
- · Regroupement de l’ANPE et de l’Assedic pour créer Pôle Emploi,
- · Fermeture de la section scierie du Lycée du Bois d’Envermeu,
- · Fermeture du bureau de Douane de Dieppe,
- · Etc.