Dépèche AFP: Après 70 ans d’existence, les CE pourraient disparaître

Une dépêche AFP, reprise par Libération-Économie et Orange-Actu annonce que les CE sont menacés par le projet de la loi Macron

"Héritage de la Libération, les Comités d’entreprise (CE) vont fêter en février leurs 70 ans et probablement leur dernier anniversaire en cas d’accord jeudi sur le dialogue social pour les fusionner avec les autres instances du personnel, une simplification qui divise les juristes.

Si cette négociation difficile, visant à simplifier les relations entre employeurs et salariés, aboutit, la réforme consistera principalement à rassembler dans les entreprises de plus de 11 salariés les instances actuelles en un organe unique baptisé «Conseil d’entreprise».

Cette nouvelle instance regroupera outre le CE, le Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et les délégués du personnel. Y siègeront les délégués syndicaux (DS), qui négocieront en son nom les accords.

Pour Sylvain Niel, avocat en droit social chez Fidal, interrogé avant la fin de la négociation, la création d’une telle structure serait «une révolution sociale» qui «va changer radicalement les choses». En bien, selon cet avocat.

L’instance commune, qui «va rassembler toutes les prérogatives dispersées avant dans le mille-feuille de la représentation», sera «très influente», estime M. Niel.

A l’heure actuelle, CE, CHSCT et DS sont obligatoires à partir de 50 salariés, les délégués du personnel à partir du 11e. Jusqu’à 50 salariés, le futur «Conseil» n’assumera que les prérogatives des délégués du personnel. Au delà, il reprendra aussi les prérogatives des autres instances, prévoit le texte, au détail près que la commission reprenant les attributions du CHSCT sera facultative entre 50 et 300 salariés.

Cette évolution, les grandes entreprises [les patrons ! NDLR] «l’attendaient», dit M. Niel. Demandée par le patronat, la fusion devrait s’accompagner d’une rationalisation des consultations (regroupées en trois temps pour les grands sujets économiques et sociaux récurrents) et la fin de la double consultation lorsqu’un projet concerne plusieurs d’établissements.

Pour le Medef, tout ceci doit permettre de «lisser» les seuils de 11 et 50 salariés, qui freinent les embauches, a expliqué mardi Pierre Gattaz son président.

Mais les petites entreprises «ne sont pas forcément demandeuses», assure M. Niel. La CGPME n’est pas contre une instance unique mais seulement à partir du 50e salarié. Et elle s’oppose au dispositif de représentation extérieure par ailleurs proposé aux entreprises de moins de 11 salariés.

- Attaque au marteau-piqueur -

Pour Judith Krivine, avocate engagée dans la défense des salariés, ce projet d’instance unique, «c’est du marteau-piqueur». Jean Auroux, ancien ministre socialiste auteur des lois éponymes (1982) ayant renforcé les droits des salariés et les attributions des CE, «doit être fou de rage», imagine-t-elle.

Il revient à «une destruction pure et simple du code du travail et notamment du comité d’entreprise et du CHSCT car il «touche à tout»: seuils, nombre de représentants, heures de délégation, recours aux experts...

Autre problème selon elle, les accords d’entreprise vont «prédominer» sur les autres textes (accords de branche, contrat de travail...), même si ces accords sont moins favorables, «consacrant ainsi une mise à mal progressive ces dernières années d’un principe fondamental du droit du travail».

L’avocate craint «des accords catastrophiques» car «il y a un très fort risque» que les futures négociations soient menées par des gens soit «pas formés, qui auront peur ou au pire des cas, seraient intéressés à titre personnel».

S’il y a fusion, «il va nous falloir des super élus», anticipe Michel Hillebrand, du cabinet d’experts Secafi, qui conseille nombre de CE. «On oublie pourquoi au départ on voulait des instances différentes: pour ne pas mélanger les questions individuelles et collectives».

Si «les mêmes traitent tout», «je mets ma main au feu qu’avant de signer un accord d’entreprise, les délégués du personnel mettront sur la table des cas individuels», ajoute-t-il.

Pour Juliette Mascart, avocate, ce «chamboulement» est aussi une «source d’insécurité juridique». Elle assure que les seuils sont sans impact sur l’emploi et relève que la mise en place des instances actuelles était «simple»: «n’importe quel avocat spécialisé vous fait ça proprement pour le prix d’un iPhone».

AFP

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