Dieppe, une ligne à l'abandon, où la SNCF fait circuler des trains-poubelles et supprime des liaisons

Dieppe, une ligne à l'abandon, où la SNCF fait circuler des trains-poubelles et supprime des liaisons

On sait que lorsqu'on privatise on insère un nouvel acteur: l'actionnaire.

L'actionnaire se comporte alors comme un véritable fisc interne; une entreprise privatisée subit donc le poids d'un double fisc — l'État et l'Actionnaire — alors que précédemment il n'en subissait qu'un seul. Et le Coût de l'actionnaire, autrement dit le Coût du Capital, c'est lourd.

Car l'autre aspect de la privatisation c'est qu'une entreprise privatisée se lance alors dans des fusions-acquisitions partout dans le monde, et cela alourdit encore le coût du capital !

En conséquence la qualité de service et l'emploi se dégrade à vitesse grand "V".

La SNCF a besoin d'argent pour se développer en angleterre !

Aujourd'hui, par exemple, la SNCF, est dans cette logique: par le biais de sa branche Keolis, elle s'occupe de se tailler une partie de plus en plus importante du réseau anglais, la conquête de « parts de marché » ayant commencé en 2007, essentiellement par la mise en place de « joint ventures » (entreprises co-gérées par plusieurs maisons mères), notamment dans « Govia » avec le groupe britannique « Go-Ahead ».

La SNCF via sa filiale Keolis contrôle désormais 4 500 km de réseau en Grande-Bretagne, 920 trains, 7 500 employés, pour un trafic annuel de 420 millions de passagers. Elle s'occupe en partenariat de quatre ligne de trains : le Transpennine express (reliant les villes du nord), le London Midland (entre Londres et Birmingham), le Southern et le Southeastern faisant la liaison entre Londres et le sud de l'Angleterre. Elle investit des milliards en Angleterre et supprime des trains en France (comme les 5 corails direct Dieppe Paris supprimés le Week-end) !

Et Keolis ne compte pas s'arrêter là. Il est en concurrence avec « Virgin » et « Stagecoach » pour récupérer une des cinq lignes majeures du pays : la « East coast main line » qui mène de Londres à Edimbourg, un contrat d'un milliard d'euros par an qui commence en 2015 … pour un réseau comparable au réseau Corail inter-cités français !

Qui peut encore prétendre après que les caisses de la SNCF sont vides, et qu'il manque d'argent pour entretenir le réseau, pour garantir des prix accessibles, pour maintenir des liaisons, et assurer aux salariés des conditions de travail décentes, quand une filiale de la SNCF investit des milliards à l'étranger ?

Combien coûte une privatisation ?

Cela fait 20 ans que le rail anglais est privatisé. Le syndicat des transports britannique TSSA vient d'en livrer l'addition : en moyenne les tarifs des lignes entre Londres et les grandes villes de province ont triplé depuis 1994.

1994, c'est la date de la privatisation du « British Rail », la SNCF britannique. « British Rail » est éclaté d'une part en 25 opérateurs privatisés (correspondant aux lignes de train), d'autre part en un gestionnaire d'infrastructures (« Railtrack ») lui-même privatisé en 1996.

Une privatisation inscrite dans le processus d'intégration européenne, et le respect de la directive 91/440 qui réclame la séparation du gestionnaire du réseau et des opérateurs, livrant les services de transport à la concurrence privée.

Les groupes privés nés de la privatisation des bus … à l'assaut du rail britannique privatisé en 1994 !

 

Chaque lignes urbaines, infra-régionales et inter-cités a été concédé à une multitude d'acteurs privés vite regroupés en monopoles britanniques – souvent issus de privatisations antérieures –, concurrencés par les grands monopoles européens, français, hollandais ou allemands.

Aujourd'hui, sur les cinq principales lignes, la East Coast main line (Londres-Edimbourg), Great Western main line (Londres-Cardiff), la Midland main line (Londres-Leeds) appartiennent à des groupes britanniques, respectivement « National express », « First Group » et « Stagecoach group ».

Ces trois entreprises se sont enrichies grâce à la privatisation des bus dans les années 1980. Privatiser un secteur (ici les bus), en créant une fausse concurrence, pour ensuite ouvrir les autres secteurs (là, le rail) à la concurrence privée, telle a été la stratégie poursuivie en Grande-Bretagne.

Les deux autres lignes sont entre les mains de monopoles multi-nationaux, c'est le cas de la « Great Eastern main line » (Londres-Norwich) qui appartient à la société des chemins de fer hollandaise (« Nederlandse spoorwagen ») et surtout le joyau de la « West Coast main line » (reliant Londres à Manchester, Liverpool, Glasgow) concédé à Virgin de Richard Branson.

Entre 141 et 245 % de hausse des tarifs pour les anglais 

Le bilan se passe de commentaires, les prix ont augmenté entre 141 % et 245 % sur les dix principales lignes nationales entre 1994 et 2014, dépassant largement le taux d'inflation global (officiel) de 78 %.

Les records vont aux lignes gérées par « Virgin » : l'aller-retour libre (« anytime return ») entre Londres et Manchester s'élève à 321 £ (390 €!) en 2014 contre 93 £ (112 €) en 1994 ( + 245 %), le même trajet entre Londres et Liverpool revient à 300 £ contre 91 £ il y a 20 ans.

La liste est longue : aller à Bristol coûte désormais 193 £ (contre 56 £ en 1994, + 245 %), à Cardiff 213 £ (+ 209 %), Birmingham 164 £ (+ 204 %), Nottingham 160 £ (+ 182 %), Glasgow 352 £ (+ 179 %), Leeds 249 £ (+ 179 %), Newcastle 301 £ (+ 151 %), Edimbourg 304 £ (+ 141 %).

Les propos du secrétaire-général du syndicat des transports TSSA sonnent juste : « Cela prouve ce que chaque passager subit dans sa chair : l'industrie du chemin de privé privé nous spolie depuis vingt ans ».

Les tarifs du rail britannique sont désormais les plus chers d'Europe, ils sont en moyenne deux fois plus élevés qu'en France.

Tarifs prohibitifs, sécurité en berne, trains en retard, subventions publiques exorbitantes : l'enfer de la privatisation !

Le rapport publié par le Congrès des syndicats britanniques (TUC) en juin dernier : « The great train robbery » (le « grand hold-up du rail ») allait contre toutes les idées reçues, tout l'argumentaire fallacieux des privatiseurs il y a 20 ans :

Les investissements sont déficients du côté des investisseurs privés, le matériel roulant est de plus en plus vieux. Inquiétant quand on se souvient la vague d'accidents qui avait endeuillé le rail britannique au début des années 2000, au plus fort de la privatisation du secteur

Ce système fragmenté et anarchique est très coûteux (40 % de plus que le système français), c'est aussi un gouffre en subventions publiques (deux fois plus d'argent consacré aux projets d'infrastructures fructifiés par le privé).

On pourrait enfin ajouter que les trains sont de plus en plus en retard, un train sur six circule avec plus de 10 minutes de retard en Grande-Bretagne contre un sur dix en France : comme quoi Tchatcher n'a « pas fait arriver les trains à l'heure » !

Au final, la privatisation du rail anglais a surtout permis la domination de monopoles britanniques ou internationaux, souvent branche internationale des anciens ou actuels monopoles publics nationaux : « Nederlandse spoorwagen » hollandaise, « Deutsche bahn » allemande et SNCF française.
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