Délai de carence et risque sanitaire

Le vote par les députés, dans la nuit du 15 au 16 novembre, en catimini, comme s’il s’agissait d’un coup d’Etat, d’allonger de trois à quatre jours du délai de carence des arrêts maladie dans le secteur privé, et la création d’un délai de carence d'une journée chez les fonctionnaires, va aggraver la situation sanitaire déjà dégradée des plus pauvres.  

En effet, à cause de leur coût, deux Français sur cinq ont déjà retardé ou renoncé à des soins, comme l’a montré une récente enquête du Secours Populaire. Cette proportion dépasse les 50% dans les foyers les plus pauvres (moins de 1 200 € nets / mois).

De même près d’un Français sur trois a déjà retardé ou renoncé à l’achat de prothèses dentaires (31%) ou de lunettes (29%). Et il faut souligner qu’en ce qui concerne l’achat de produits d’optique, cette proportion est deux fois plus élevée dans les foyers les plus pauvres (40%) que dans les foyers les plus riches (20%).

A cause de leur coût, un quart des Français a déjà retardé ou a renoncé à une consultation chez un spécialiste (24%) ou chez un dentiste (23%). Cette proportion passe à 18% pour l’achat de médicaments, à 16% pour des radios ou des analyses en laboratoires.

Il est évident que la mesure votée par les députés ne va améliorer la situation désastreuse des salariés les plus pauvres, qui vont être contraints de se résoudre à ne pas s’arrêter de travailler alors qu’ils sont malades, pour ne pas perdre d’argent, au risque de leur santé.

Le risque est ici une fragilisation de la santé des travailleurs les plus pauvres, qui sont souvent  les plus exposés aux conditionsde travail les plus mauvaises (intempéries, froid ou chaleur, etc.) qui se soigneront mal, et qui risqueront donc rechutes et aggravation, suivi d’une dégradation de leur état physique. Il est vrai que c’est dans cette population que l’espérance de vie est la plus courte ; leur imposer cet esclavage est indigne !

Mais une autre question se pose : Lorsqu’un salarié malade vient au travail, alors qu’il aurait dû s’arrêter pour se soigner, il peut:

  • => soit se mettre en danger lorsqu’il conduit une machine,
  • => soit contaminer ses collègues de travail,
  • => soit transmettre ses microbes, bactéries et virus, aux produits fabriqués ou conditionnés.

On sait aujourd’hui que des maladies, comme la tuberculose que l’on croyait éradiquée, réapparaissent, et qu’elles se développent dans les milieux les plus défavorisés.

Alors que l’addition des dépenses engagées par le gouvernement en perspective de la grippe pandémique à virus A/H1N1, a été évaluée à plus de 1,06 milliard d'euros par le ministère de la Santé, auxquelles s’ajoutent de nombreuses autres dépenses dont des dépenses territoriales, qui font monter le coût total de cette affaire entre 1,8 et 2,2 milliards d'euros, l’annonce d’une économie de 200 millions d’euros n'apparaît-elle pas bien ridicule au regard des risques sanitaires encourus ?

Enfin, le projet de loi de finance 2012 de la Sécu, retocqué par le sénat - mais qui reviendra en 2e lecture à l'assemblée -, prévoit d’emblée un déficit de la branche maladie de 5,9 milliards et de 13,8 milliards pour le régime genéral dans son ensemble. Alors les 200 millions d'euros d'économie apparaissent pour ce qu'ils sont: un prétexte idéologique pour justifier un recul social, et la marque du mépris du gouvernement pour les citoyens qui sont sensés prendre les mensonges pour des vérités.

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